Je suis Alex Lauzon

29/06/2018
à 09h36

Slav

J'ai vu Slav hier. J'ai pris les billets en novembre dernier sans connaitre le contenu. Pour moi, juste les noms de Betty Bonifassi et Robert Lepage étaient suffisants. En début de semaine, je me suis demandé si j'allais y aller. Hier matin, en lisant les critiques, j'ai décidé d'aller voir pour me faire ma propre idée. Je suis transparent: sans les billets déjà en poche, je n'aurais pas vu cette pièce car j'entends bien les arguments songés de ceux qui dénoncent.

Mais pour ceux qui me traitent d'ignorant, de profiteur et de raciste (propos vus à maintes reprises sur des pancartes tenues par des personnes ayant visiblement eu la chance / intelligence d’avoir tout compris des mystères de la vie et surtout, ses nombreuses nuances...), j’ai envie de dire que vous avez manqué un bon débat.

Je comprends l’argument d'un spectacle présenté en majorité par des blancs. On aurait pu avoir davantage de noirs, mais en même temps, il y a des chants bulgares et irlandais dans la pièce. Aurait-il fallu y mettre une rousse aussi? (je blague là, capote pas). Je suis d'accord qu’on pourrait redistribuer une partie des profits à des organismes ciblant les communautés noires). Ça me va comme arguments, je suis entièrement d'accord. Go, go go.

Au point de censurer la pièce? Non. Pour moi. Juste non. La pièce dénonce l'esclavagisme moderne aussi. Tsé, le chandail à 10$ que tu portes en ce moment fait par un enfant indien là. On en parle aussi. Réduire la pièce à de simples chants d'esclaves afro-américains du 18e siècle, c'est ne pas avoir vu la pièce et son contenu. Oui, c'est une part importante mais loin d'être unique. Et les deux femmes noires ont des rôles centraux. L'une d'entre elles est sur scène presque toute la pièce. Ce qui n'est pas le cas de Betty, elle n'est pas toujours là. Enfin. La pièce n’est pas parfaite. Mais Betty a le mérite de m'avoir fait connaitre des chansons que je n'aurai connu sinon. Elle m'a rappelé mes privilèges d'homme blanc et m'a permis de me souvenir de toujours demeurer aussi ouvert et empathique que possible avec tous.

Je n'arrive pas à saisir l'argument de l'appropriation culturelle ni, mais alors là vraiment pas, celui d'encouragement à l'ignorance et au racisme. Ça, c'est juste faux.

Au théâtre, une femme peut jouer un homme, un homosexuel joue un charmeur de femmes, un noir peut jouer un blanc et tralala. C'est du spectacle. Car sinon, on arrête où? J'exagère beaucoup: On reproche à Christine Beaulieu de s'être approprié le travail d'un journaliste pour monter J'aime Hydro et on lui dicte de juste jouer les belles aux gros totons? On reproche aux Beatles, à Led Zep, à Elvis, à David Bowie, aux Rolling Stones et des centaines d'autres de s'être approprié le blues / rock noir américain? T'arrêtes où, toi? Moi, je ne sais pas. Je m'informe sur l'origine de l'œuvre, je m'intéresse à la démarche de l'artiste et oui, je l'écoute. Si c'est fait avec respect et de bonnes recherches, pourquoi pas?

J'écoute ceux que ça dérange. Pas de soucis. je saisi très bien le malaise. J'en ai eu un moi aussi avant la pièce et je ne suis pas certain qu'il soit vraiment disparu après l'avoir vu. Mais garde tes attaques de racisme pour une autre occasion svp. Ou achète-toi un dictionnaire. Le racisme, c'est la haine de l'autre. Je n'ai vu aucune haine hier soir pendant le spectacle.

Enfin, pour ma part, j'ai écouté les deux: ceux qui dénoncent la pièce et ceux qui l'ont préparés. Et ma conclusion est que je suis content d'avoir écouté les deux.

Sans censurer ni un côté, ni l'autre.