Je suis Alex Lauzon

16/04/2011
à 11h36

Le fardeau de la preuve

À l’attention de M. Jason Kenney, ministre de l’Immigration

Monsieur, jeudi dernier, j’ai lu avec consternation la chronique de Rima Elkouri à propos de cette famille, les Barlagne, qui risque l’expulsion si jamais leur dernier recours possible —une demande pour motifs humanitaires!— ne se conclut pas de façon positive. Mme Elkouri en parle à nouveau ce matin.

Je suis outré, indigné, j’ai terriblement honte. Comment en sommes-nous arrivés à ajouter l’insulte à l’injure?

Comment se fait-il que vos fonctionnaires soient arrivés à la conclusion que cette petite fille de 8 ans, atteinte d’une forme légère de paralysie cérébrale, sera un «fardeau excessif» pour les services sociaux canadiens? J’aimerais bien qu’on m’explique et qu’on me détaille le processus et les méthodes d’analyse utilisés pour arriver à un tel constat. Son médecin personnel dit qu’avec le temps, elle sera fonctionnelle et que ses besoins iront en diminuant. Où est le problème alors? Le ministère a-t-il demandé à un autre médecin de poser un diagnostic? J’aimerais bien voir la grille d’évaluation. Case à cocher: légère paralysie cérébrale = dewors et merci pour les biscuits...

C’est brusque vous ne trouvez pas? En fait, c’est ça aussi qui est honteux, c’est que non, vous ne trouvez pas ça brusque... Ça me sidère. Shame on you. La loi stipule clairement, contrairement à ce que vous prétendez, que vous avez le pouvoir d’annuler cette décision. Ne pas le faire revient à dire que vous aussi, M. Kenney, vous jugez personnellement que cette enfant sera un «fardeau excessif».

Puisque vous vous rangez derrière votre ministère, je pense que vous avez le fardeau de faire la preuve que cet enfant sera un problème pour la société. À défaut de quoi, votre décision, à vous et votre ministère demeure une décision stupide, abjecte, ignoble. Je manque de mot pour dénoncer cette horrible situation.

Une demande pour motifs humanitaires, rien de moins, c’est fou tout de même, notre système les a poussés jusque-là! Je n’arrive pas à imaginer l’humiliation que doit vivre cette famille en ce moment. Ils doivent tellement regretter d’être venus au Canada, le pays au «front ceint de fleurons glorieux»... J’éprouve de la difficulté à déceler la gloire de ce pays présentement... On serait tenté de croire qu’ils ont envie de retourner chez eux. Et bien, c’est justement ce pour quoi ils se battent et où ils veulent être: «chez eux». Car c’est ici chez eux. Vous ne semblez pas comprendre cela. Cette famille est venue ici, après avoir été courtisée par des représentants canadiens! Faut le faire tout de même! On les invite puis on change d’idée. C’est vraiment pathétique. Ils participent activement à ce qui semble l’une des seules obsessions de votre parti, l’économie. M. Barlagne a démarré sa propre entreprise, il créé probablement de l’emploi avec celle-ci. Ils ont parfaitement intégré la société. Ils payent des taxes et des impôts comme tout le monde.

Encore une fois, le gouvernement Harper nous fait honte nationalement et internationalement. Cette situation a trouvé écho en France et les gens y sont scandalisés. Avec raison évidemment. J’espère que les diplomates français poseront des questions à M. Kenney.

J’en profite pour m’adresser à tous les autres députés conservateurs québécois. Votre mutisme est scandaleux et en dit long sur le mensonge qu’est «notre région au pouvoir». Vous avez le pouvoir d’influencer et de plaider pour cette famille. Vous avez un accès direct à M. Kenney et M. Harper. Ils sont où, les Josée Verner, Jean-Pierre Blackburn, Denis Lebel et autres qui se drapent du chandail des Nordiques quand vient le temps de faire de la démagogie? Il est où Larry Smith? Et surtout, surtout, elle est où la grande gueule à Maxime Bernier? À force de se mettre les pieds dans les plats, il a fini par se les mettre dans la bouche et il ne peut plus parler? Si c’est le cas, c’est déjà ça de pris. Ces gens nous répètent sans cesse qu’avec eux en majorité au Parlement, le Canada sera un pays stable et prospère, présent pour les familles. Ce n’est pas en refusant l’une d’elles qu’on y arrivera.

En terminant, quelqu’un a créé une pétition en ligne. J’espère qu’elle sera signée en grand nombre.