Je suis Alex Lauzon

25/01/2017
à 13h29

Atelier d’écriture, Exercice #45

En décembre dernier, j'ai participé à un atelier d'écriture. Voici le résultat d'un des premiers exercices de la première journée.

Bible de personnage
Daniel Pouliot, né le 19 juillet 1946, hautain, narcissique, intello, honnête, intègre, maladroit, zéro déchet depuis toujours, célibataire, propriétaire, brulé au 3e degré sur pratiquement tout le corps, sauf la figure, peu d’intérêt pour le matériel, cheveux blancs encore assez présent, lunettes de John Lennon, poils dans les oreilles et le nez, svelte, toujours très chic, nœud papillon et tout, ne cuisine jamais, mange au restaurant ou mange cru, n’a jamais voyagé, ne prend jamais de vacances, aime le rock, passe ses journées à lire, à regarder des films, à prendre des marches, à discuter avec ses voisins locataires, journaliste, nostalgique de la vieille époque, réfractaire au changement, la vie comme un long fleuve tranquille, bavard, triste, taciturne, mélancolique, romantique, a vécu une seule histoire d’amour.

Texte de l’exercice
J’ouvre la porte et je fais une macabre découverte (NDLR: bin non je niaise, «inside joke» entre les participants de l’atelier), c’est un jeune homme engagé par l’arrondissement qui se présente et me dit qu’il vient me livrer mon bac pour le compostage. Bon. Le compostage… Je lui dit bien poliment de le garder son bac, que je n’en veux pas. Je n’en ferai pas de compostage moi monsieur. Je mange au restaurant ou je mange cru. Je prends 2 carottes, quelques fraises au marché, une poignée d’amandes au magasin en vrac et voilà, j’ai un souper. Il ne reste rien. J’apporte mes propres pots et sacs lorsque je fais l’épicerie. Faut me lâcher un peu là. Il insiste. Bon. Je lui dit qu’ils m’énervent avec leurs bacs de couleur. Un vert, un bleu, un brun. Punaise. Si on fait le tour de la charte Pantone, on n’a pas fini. Avant, on avait juste les poubelles à gérer, mais là, faut classer nos déchets. Je ne recycle pas moi, que je lui dit au jeune homme. Je n’achète rien ou presque. J’achète plein de livres, soit. Mais je n’en garde aucun. À quoi bon? Pour épater la visite avec ma bibliothèque bien remplie? Ahhhh! Vous avez lu Flaubert et ses comparses? Aahhhh, et le dernier Sophie Bienvenu aussi? Mais oui, bien sûr que je l’ai lu, je ratisse large, même si c’est fait simple, que ça s’éparpille et que ça m’ennuie, je l’ai lu quand même. Vous savez, j’ai aussi lu Foucault, Rousseau, Chestov, Rancière et Finkielkraut. Là, je vous le dis pour les fins de la conversation, parce que vous comprendrez que je lis tout. Je ne veux rien étaler. Mais c’est pour vous dire le papier que j’achète, je le revends à la librairie de livres usagés. Si tout le monde faisait comme moi, on pourrait faire comme avant et seulement avoir les poubelles à mettre au chemin. C’est compliqué tout ça. Et là, alors qu’il tente de me couper, j’enchaîne: les écureuils vont se mettre là-dedans, ça sera un vrai buffet chinois pour eux. Puis les moufettes vont s’ajouter à la partie et on va être pogné avec tout ça. Et ça va puer tout l’été. Les voisins vont oublier leur bac brun bien rempli avant de partir au chalet et c’est moi qui va ramasser. Il insiste à nouveau et me dit qu’il est obligé d’en laisser un à mon adresse. Il laisse le bac devant moi et me souhaite une bonne journée. Bon. D’accord, je mettrai le bac dans un gros sac de poubelle dès jeudi et ça ira au dépotoir.